Page:Rabelais - Gargantua et Pantagruel, Tome II (Texte transcrit et annoté par Clouzot).djvu/162

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puisse coiffer ! » — « Frère, lui dit chicanous manchot, je te donnerai unes belles, grandes, vieilles lettres royaux, que j’ai ici en mon baudrier, pour rapetasser ton tambourin, et pour Dieu pardonne-nous. Par Notre-Dame de Rivière, la belle dame, je n’y pensais en mal. »

Un des écuyers, dopant et boitant, contrefaisait le bon et noble seigneur de la Roche Posay. Il s’adressa au recors embaviéré[1] de mâchoires et lui dit : « Êtes-vous des frappins, des frappeurs, ou des frappars ? Ne vous suffisait-il nous avoir ainsi morcrocassebezassevezassegrigueliguoscopapopondrillé tous les membres supérieurs à grands coups de bobelins[2], sans nous donner tels morderegrippipiotabirofreluchamburelurecoquelurintimpanements sur les grèves[3] à belles pointes de houseaux ? Appelez-vous cela jeu de jeunesse ? Par Dieu, jeu n’est-ce ? »

Le recors, joignant les mains, semblait lui en requérir pardon, marmonnant de la langue : « Mon, mon, mon, vrelon, von, von, » comme un marmot[4].

La nouvelle mariée pleurante riait, riante pleurait, de ce que chicanous ne s’était contenté la daubant sans choix ni élection des membres, mais l’avait lourdement déchevelée, d’abondant[5] lui avait trepignemampenillorifrizonoufressuré les parties honteuses en trahison. « Le diable, dit Basché, y ait part ! Il était bien nécessaire que monsieur le Roi (ainsi se nomment chicanous) me daubât ainsi ma bonne femme d’échiné. Je ne lui en veux mal toutefois. Ce sont petites caresses nuptiales. Mais j’aperçois clairement qu’il m’a cité en ange et daubé en diable. Il tient je ne sais quoi du frère frappart. Je bois à lui de bien bon cœur, et à vous aussi, messieurs les recors. »

« Mais, disait sa femme, à quel propos et sur quelle querelle m’a-t-il tant et trestant festoyée à grands coups de poing ? Le diantre l’emporte, si je le veux. Je ne le veux pourtant pas, ma dia ! Mais je dirai cela de lui qu’il a les plus dures oinces[6] qu’onques je sentis sur mes épaules. »

Le maître d’hôtel tenait son bras gauche en écharpe, comme tout morquaquoquassé : « Le diable, dit-il, me fit bien assister à ces noces. J’en ai, par la vertu Dieu ! tous les bras enguoulevezinemassés. Appelez-vous ceci fiançailles ? Je les appelle

  1. Qui avait les mâchoires en Bavière (c.à.d. bavantes).
  2. Souliers.
  3. Jambes.
  4. Singe.
  5. En outre.
  6. Phalanges.