Page:Rabelais - Gargantua et Pantagruel, Tome I (Texte transcrit et annoté par Clouzot).djvu/185

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En son saie[1] avait plus de vingt et six petites bougettes et fasques[2] toujours pleines, l’une d’un petit d’eau de plomb et d’un petit couteau affilé comme l’aiguille d’un pelletier, dont il coupait les bourses ; l’autre d’aigret[3] qu’il jetait aux yeux de ceux qu’il trouvait ; l’autre de glaterons[4] empennés de petites plumes d’oisons ou de chapons qu’il jetait sur les robes et bonnets des bonnes gens, et souvent leur en faisait de belles cornes qu’ils portaient par toute la ville, aucunes fois toute leur vie. Aux femmes aussi, par-dessus leurs chaperons au derrière, aucune fois en mettait faits en forme d’un membre d’homme.

En l’autre un tas de cornets tous pleins de puces et de poux qu’il empruntait des guenaux[5] de Saint-Innocent, et les jetait avec belles petites cannes[6] ou plumes dont on écrit sur les collets des plus sucrées demoiselles qu’il trouvait, et mêmement en l’église, car jamais ne se mettait au chœur au haut, mais toujours demeurait en la nef entre les femmes, tant à la messe, à vêpres, comme au sermon.

En l’autre, force provision de haims et claveaux[7] dont il accouplait souvent les hommes et les femmes en compagnies où ils étaient serrés, et mêmement celles qui portaient robes de taffetas armoisi[8], et à l’heure qu’elles se voulaient départir[9], elles rompaient toutes leurs robes.

En l’autre, un fusil garni d’amorce, d’allumettes, de pierre à feu et tout autre appareil à ce requis.

En l’autre, deux ou trois miroirs ardents dont il faisait enrager aucunes fois les hommes et les femmes et leur faisait perdre contenance à l’église, car il disait qu’il n’y avait qu’un antistrophe entre femme folle à la messe et femme molle à la fesse.

En l’autre, avait provision de fil et d’aiguilles, dont il faisait mille petites diableries.

Une fois, à l’issue du palais, à la grand’salle, lorsqu’un cordelier disait la messe de Messieurs, il lui aida à soi habiller et revêtir, mais en l’accoutrant, il lui cousit l’aube avec sa robe et chemise, et puis se retira quand Messieurs de la Cour vinrent s’asseoir pour ouïr icelle messe. Mais quand ce fut l’Ite Missa est, que le pauvre frater se voulut dévêtir de son aube, il emporta ensemble et habit et chemise, qui étaient bien cousus ensemble, et se rebrassa jusques aux épaules, montrant son callibistris

  1. Sa casaque.
  2. Saccoches et pochettes
  3. Verjus.
  4. Glouterons (caille-lait accrochant).
  5. Gueux.
  6. Roseaux.
  7. De crochets et de clavettes.
  8. Armoisin, soie légère.
  9. Séparer