Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/148

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vray routier de guerre, nommé Echephron, lequel, ouyant ces propous, dist : « J’ay grand peur que toute ceste entreprinse sera semblable à la farce du pot au laict, duquel un cordouannier se faisoit riche par resverie ; puis, le pot cassé, n’eut de quoy disner. Que pretendez vous par ces belles conquestes ? Quelle sera la fin de tant de travaulx et traverses ?

— Ce sera (dist Picrochole) que, nous retournez, repouserons à noz aises. » Dont dist Echephron : « Et, si par cas jamais n’en retournez, car le voyage est long et pereilleux, n’est ce mieulx que dès maintenant nous repousons, sans nous mettre en ces hazars ?

— O (dist Spadassin) par Dieu, voicy un bon resveux ! Mais allons nous cacher au coing de la cheminée, et là passons avec les dames nostre vie et nostre temps à enfiller des perles, ou à filler comme Sardanapalus. Qui ne se adventure, n’a cheval ny mule, ce dist Salomon.

— Qui trop (dist Echephron) se adventure, perd cheval et mulle, respondit Malcon.

— Baste ! (dist Picrochole) passons oultre. Je ne crains que ces diables de legions de Grandgousier. Ce pendent que nous sommes en Mesopotamie, s’ilz nous donnoient sus la queue, quel remede ?

— Très bon (dist Merdaille). Une belle petite commission, laquelle vous envoirez es Moscovites, vous mettra en camp pour un moment quatre cens cinquante mille combatans d’eslite. O, si vous me y faictes vostre lieutenant, je tueroys un pigne pour un mercier ! Je mors, je rue, je frappe, je attrape, je tue, je renye !

— Sus, sus (dict Picrochole), qu’on despesche tout, et qui me ayme, si me suyve. »