Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/204

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par trop estre excessifz. Se donna mancipe et serf voluntaire, soy et sa posterité ; ce ne feut accepté par ne sembler equitable. Ceda par le decret des estatz ses terres et royaulme, offrant la transaction et transport, signée, scellé et ratifié de tous ceulx qui faire le debvoient ; ce fut totalement refusé, et les contractz gettés au feu. La fin feut que mon dict pere conmença lamenter de pitié et pleurer copieusement, considerant le franc vouloir et simplicité des Canarriens, et par motz exquis et sentences congrues diminuoit le bon tour qu’il leur avoit faict, disant ne leur avoir faict bien qui feut à l’estimation d’un bouton, et, si rien d’honnesteté leur avoir monstré, il estoit tenu de ce faire. Mais tant plus l’augmentoit Alpharbal. Quelle feut l’yssue ? En lieu que pour sa rançon, prinze à toute extremité, eussions peu tyrannicquement exiger vingt foys cent mille escutz et retenir pour houstaigers ses enfants aisnez, ilz se sont faictz tributaires perpetuelz et obligez nous bailler par chascun an deux millions d’or affiné à vingt quatre karatz. Ilz nous feurent l’année premiere icy payez ; la seconde, de franc vouloir, en paierent xxiij cens mille escuz, la tierce xxvj cens mille, la quarte troys millions, et tant tousjours croissent de leur bon gré que serons contrainctz leurs inhiber de rien plus nous apporter. C’est la nature de gratuité, car le temps, qui toutes choses ronge et diminue, augmente et accroist les bienfaictz, parce q’un bon tour liberalement faict à l’homme de raison croist continuement par noble pensée et remembrance.

«  Ne voulant doncques aulcunement degenerer de la debonnaireté hereditaire de mes parens, maintenant je vous absoluz et delivre, et vous rends francs et liberes comme par avant.