Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

frain au dentz ; mais, nonobstant leurs ergotz et fallaces, il les feist tous quinaulx et leurs monstra visiblement qu’ilz n’estoient que veaulx engiponnez.

Dont tout le monde commença à bruyre et parler de son sçavoir si merveilleux, jusques es bonnes femmes, lavandieres, courratieres, roustissieres, ganyvetieres et aultres, lesquelles, quand il passoit par les rues, disoient : C’est luy ! À quoy il prenoit plaisir comme Demosthenes, prince des orateurs grecz, faisoit, quand de luy dist une vieille acropie, le monstrant au doigt : C’est cestuy là.

Or, en ceste propre saison, estoit un procès pendent en la court entre deux gros seigneurs, desquelz l’un estoit Monsieur de Baysecul, demandeur, d’une part, l’aultre Monsieur de Humevesne, defendeur, de l’aultre, desquelz la controverse estoit si haulte et difficile en droict que la court de Parlement n’y entendoit que le hault alemant. Dont, par le commandement du roy, furent assemblez quatre les plus sçavans et les plus gras de tous les parlemens de France, ensemble le Grand Conseil, et tous les principaulx regens des universitez, non seulement de France, mais aussi d’Angleterre et Italie, comme Jason, Philippe Dece, Petrus de Petronibus et un tas d’aultres vieulx Rabanistes. Ainsi assemblez, par l’espace de quarente et six sepmaines n’y avoyent sceu mordre ny entendre le cas au net pour le mettre en droict en façon quelconques, dont ilz estoyent si desptiz qu’ilz se conchioyent de honte villainement.

Mais un d’entre eulx, nommé Du Douhet, le plus sçavant, le plus expert et prudent de tous les aultres, un jour qu’ilz estoyent tous philogrobolizez du cerveau, leur dist :

Messieurs, jà long temps a que sommes