Page:Racan Tome I.djvu/222

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Tel parut ce guerrier, quand leurs folles pensées
Tascherent de ternir ses actions passées ;
Plus il fut traversé, plus il fut glorieux ;
Sa barque triompha du couronx de Neptune,
Et les flots qu’émouvoient les vents de la fortune,
Au lieu de l’engloutir, l’éleverent aux cieux.

Ses lauriers, respectez des tempestes civiles,
Dans les champs où la Saône épand ses flots tranquiles
Protegerent Themis en nos derniers malheurs ;
Aux vents seditieux ils défendoient l’entrée,
Et n’en souffroient aucun en toute la contrée
Que celuy seulement qui fait naistre les fleurs.

Déja se ratizoient nos rages domestiques2,
Déjà Mars apprestoit les spectacles tragiques
Par qui l’on voit tomber les empires à bas ;
Jamais sa cruauté n’a produit tant de plaintes,
Non pas mesme jadis quand les cendres éteintes
Ne sçûrent au bûcher eteindre leurs debas.

Toutefois sa prudence à nostre aide fatale
Calma de nos discors la passion brutale,
Et toucha nos fureurs d’un sentiment humain ;
Bellonne s’appaisa contre toute esperance,
Et le fer aiguisé pour détruire la France
Encore tout sanglant luy tomba de la main.

Roger, dont la valeur méprise la fortune,
En ce temps où chacun ta faveur importune,
Et souffre laschement l’insolence du sort,
À toi seul nous devons des vœux et des images ;


2. On lit se ralumoient dans l’édition de Coustelier, mais le recueil de 1638, et celui de 1692, attribué à Fontenelle, portent se ratizoient, qui m’a paru être la véritable leçon ; l’autre n’étoit qu’un rajeunissement.