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Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/72

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tier, épluchait des fraises, les doigts ruisselant de leur sang grenat.

C’était une coopérative entre gens du même bâtiment : des parts de légumes et de fruits mises en commun, les restants de vendange de l’année dernière, le surplus du blé ; la boutique des sages où tout se revendait à bas prix aux désordonnés, avec le bénéfice de la bonne, cependant, épouse d’un contre-maître, fort experte à trousser la marchandise sur les comptoirs. Ces braves ouvriers calculaient modérément ce que les bourgeois faisaient sans modération, et peut-être, parvenus à la fortune, ils inventeraient pire que leurs patrons, quoique avec moins de formes. Un réfectoire s’allongeait, interminable, couvert de gobelets, de cruches et d’assiettes.

Table d’hôte des célibataires de la coopérative de Flachère, on y servait une nourriture abondante et variée dont chaque part était lilliputienne avec la plus stricte justice. La première année on avait eu des déluges de soupe, la seconde année une avalanche de légumes. Maintenant, l’appétit coupé, on se bornait à des petites portions de collège sans aucune sucrerie de couvent, car on avait assez des confitures.