Page:Racine Œuvres complètes 1827 tome 2.djvu/18

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io LES PLAIDEURS.

J'aurois sur le marché fort bien fourni la paille.

C'est dommage : il avoit le cœur trop au métier;

Tous les jours le premier aux plaids, et le dernier;

Et bien souvent tout seul, si l'on l'eût voulu croire ,

Il s'y seroit couché sans manger et sans boire.

Te lui disois parfois : « Monsieur Perrin Dandin ,

Tout franc, vous vous levez tous les jours trop matin.

Qui veut vovager loin ménage sa monture :

Buvez, mangez, dormez; et faisons feu qui dure. »

Tl n'en a tenu compte. Il a si bien veillé

Et si bien fait, qu'on dit que son timbre est brouillé.

Il nous veut tous juger les uns après les autres.

Il marmotte toujours certaines patenôtres

Où je ne comprends rien. Il veut, bon gré, mal gré,

Ne se coucher qu'en robe et qu'en bonnet carré.

Il fit couper la tête à son coq, de colère,

Pour l'avoir éveillé plus tard qu'à l'ordinaire;

Il disoit qu'un plaideur dont l'affaire alloit mal

Avoit graissé la pâte à ce pauvre animal.

Depuis ce bel arrêt, le pauvre homme a beau faire,

Son fils ne souffre plus qu'on lui parle d'affaire.

Il nous le fait garder jour et nuit, et de près :

Autrement, serviteur, et mon homme est aux plaids.

Pour s'échapper de nous, Dieu sait s'il est alègre.

Pour moi , je ne dors plus : aussi je deviens maigre ,

C'est pitié. Je m'étends , et ne fais que bâiller.

Mais, veille qui voudra, voici mon oreiller.

Ma foi, pour cette nuit il faut que je m'en donne.

Pour dormir dans la rue, on n'offense personne.

Dormons. ( Il se couche par terre. )

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