Scène VIII.
Les savants chaldéens, par votre ordre appelés,
Dans cet appartement, seigneur, sont assemblés.
Princesse, un songe étrange occupe ma pensée :
Vous-même en leur réponse êtes intéressée.
Venez, derrière un voile écoutant leurs discours,
De vos propres clartés me prêter le secours.
Je crains pour vous, pour moi, quelque ennemi perfide.
Suis-moi, Thamar. Et vous, troupe jeune et timide,
Sans craindre ici les yeux d’une profane cour,
À l’abri de ce trône attendez mon retour.
Scène IX.
Que vous semble, mes sœurs, de l’état où nous sommes ?
D’Esther, d’Aman, qui le doit emporter ?
Est-ce Dieu, sont-ce les hommes,
Dont les œuvres vont éclater ?
Vous avez vu quelle ardente colère
Allumait de ce roi le visage sévère.
Des éclairs de ses yeux l’œil était ébloui.
Et sa voix m’a paru comme un tonnerre horrible.
Comment ce courroux si terrible
En un moment s’est-il évanoui ?
Un moment a changé ce courage inflexible :
Le lion rugissant est un agneau paisible.
Dieu, notre Dieu sans doute a versé dans son cœur
Cet esprit de douceur.
Dieu, notre Dieu sans doute a versé dans son cœur
Cet esprit de douceur.
Tel qu’un ruisseau docile
Obéit à la main qui détourne son cours,
Et laissant de ses eaux partager le secours,
Va rendre tout un champ fertile,
Dieu, de nos volontés arbitre souverain,
Le cœur des rois est ainsi dans ta main.
Ah ! que je crains, mes sœurs, les funestes nuages
Qui de ce prince obscurcissent les yeux !
Comme il est aveuglé du culte de ses dieux !
Il n’atteste jamais que leurs noms odieux.
Aux feux inanimés dont se parent les cieux
Il rend de profanes hommages.
Tout son palais est plein de leurs images.
Malheureux ! vous quittez le maître des humains
Pour adorer l’image de vos mains !
Dieu d’Israël, dissipe enfin cette ombre.
Des larmes de tes saints quand seras-tu touché ?
Quand sera le voile arraché
Qui sur tout l’univers jette une nuit si sombre ?
Dieu d’Israël, dissipe enfin cette ombre :
Jusqu’à quand seras-tu caché ?
Parlons plus bas, mes sœurs. Ciel ! si quelque infidèle,
Écoutant nos discours, allait nous déceler !
Quoi ! fille d’Abraham, une crainte mortelle
Semble déjà vous faire chanceler !
Eh ! si l’impie Aman, dans sa main homicide
Faisant luire à vos yeux un glaive menaçant,
À blasphémer le nom du Tout-Puissant,
Voulait forcer votre bouche timide !
Peut-être Assuérus, frémissant de courroux,
Si nous ne courbons les genoux
Devant une muette idole,
Commandera qu’on nous immole.
Chère sœur, que choisirez-vous ?
Moi, je pourrais trahir le Dieu que j’aime !
J’adorerais un dieu sans force et sans vertu,
Reste d’un tronc par les vents abattu,
Qui ne peut se sauver lui-même !
Dieux impuissants, dieux sourds, tous ceux qui vous implorent
Ne seront jamais entendus.
Que les démons, et ceux qui les adorent,
Soient à jamais détruits et confondus !
Que ma bouche et mon cœur, et tout ce que je suis,
Rendent honneur au Dieu qui m’a donné la vie.
Dans les craintes, dans les ennuis,
En ses bontés mon âme se confie.
Veut-il par mon trépas que je le glorifie ?
Que ma bouche et mon cœur, et tout ce que je suis,
Rendent honneur au Dieu qui m’a donné la vie.