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UNE AUTRE.

Il venait révéler aux enfants des Hébreux
De ses préceptes saints la lumière immortelle ;
Il venait à ce peuple heureux
Ordonner de l’aimer d’une amour éternelle.

TOUT LE CHŒUR.

Ô divine, ô charmante loi !
Ô justice, ô bonté suprême !
Que de raisons, quelle douceur extrême
D’engager à ce Dieu son amour et sa foi !

UNE VOIX, seule.

D’un joug cruel il sauva nos aïeux,
Les nourrit au désert d’un pain délicieux ;
Il nous donne ses lois, il se donne lui-même :
Pour tant de biens, il commande qu’on l’aime.

LE CHŒUR.

Ô justice, ô bonté suprême !

LA MÊME VOIX.

Des mers pour eux il entr’ouvrit les eaux ;
D’un aride rocher fit sortir des ruisseaux ;
Il nous donne ses lois, il se donne lui-même :
Pour tant de biens, il commande qu’on l’aime.

LE CHŒUR.

Ô divine, ô charmante loi !
Que de raisons, quelle douceur extrême
D’engager à ce Dieu son amour et sa foi !

UNE AUTRE VOIX, seule.

Vous qui ne connaissez qu’une crainte servile,
Ingrats ! un Dieu si bon ne peut-il vous charmer ?
Est-il donc à vos cœurs, est-il si difficile
Et si pénible de l’aimer ?
L’esclave craint le tyran qui l’outrage,
Mais des enfants l’amour est le partage.
Vous voulez que ce Dieu vous comble de bienfaits,
 : Et ne l’aimer jamais !

TOUT LE CHŒUR.

Ô divine, ô charmante loi !
Ô justice, ô bonté suprême !
Que de raisons, quelle douceur extrême
D’engager à ce Dieu son amour et sa foi !




ACTE SECOND.





Scène première.

JOSABETH, SALOMITH, le chœur.
JOSABETH.

Mes filles, c’est assez ; suspendez vos cantiques :
Il est temps de nous joindre aux prières publiques.
Voici notre heure : allons célébrer ce grand jour,
Et devant le Seigneur paraître à notre tour.


Scène II.

JOSABETH, ZACHARIE, SALOMITH, le chœur.
JOSABETH.

Mais que vois-je ? Mon fils, quel sujet vous ramène ?
Où courez-vous ainsi tout pâle et hors d’haleine ?

ZACHARIE.

Ô ma mère !

JOSABETH.

Ô ma mère ! Eh bien ! quoi ?

ZACHARIE.

Ô ma mère ! Eh bien ! quoi ? Le temple est profané…

JOSABETH.

Comment ?

ZACHARIE.

Comment ? Et du Seigneur l’autel abandonné.

JOSABETH.

Je tremble. Hâtez-vous d’éclaircir votre mère.

ZACHARIE.

Déjà, selon la loi, le grand prêtre mon père,
Après avoir au Dieu qui nourrit les humains
De la moisson nouvelle offert les premiers pains,
Lui présentait encore entre ses mains sanglantes
Des victimes de paix les entrailles fumantes ;
Debout à ses côtés le jeune Éliacin
Comme moi le servait en long habit de lin ;
Et cependant du sang de la chair immolée
Les prêtres arrosaient l’autel et l’assemblée :
Un bruit confus s’élève, et du peuple surpris
Détourne tout à coup les yeux et les esprits.
Une femme… Peut-on la nommer sans blasphème !
Une femme… C’était Athalie elle-même…

JOSABETH.

Ciel !

ZACHARIE.

Ciel ! Dans un des parvis aux hommes réservé
Cette femme superbe entre, le front levé,
Et se préparait même à passer les limites
De l’enceinte sacrée ouverte aux seuls lévites.
Le peuple s’épouvante, et fuit de toutes parts.
Mon père… Ah ! quel courroux animait ses regards !
Moïse à Pharaon parut moins formidable :
« Reine, sors, a-t-il dit, de ce lieu redoutable,
« D’où te bannit ton sexe et ton impiété.
« Viens-tu du Dieu vivant braver la majesté ? »
La reine alors, sur lui jetant un œil farouche,
Pour blasphémer sans doute ouvrait déjà la bouche.
J’ignore si de Dieu l’ange se dévoilant,
Est venu lui montrer un glaive étincelant ;