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ACTE V, SCÈNE II.

Ma mère en sa faveur arma la Grèce entière ?
Ses yeux pour leur querelle, en dix ans de combats,
1480Virent périr vingt rois qu’ils ne connoissoient pas ?
Et moi, je ne prétends que la mort d’un parjure,
Et je charge un amant du soin de mon injure ;
Il peut me conquérir à ce prix sans danger ;
Je me livre moi-même, et ne puis me venger ?
1485Allons : c’est à moi seule à me rendre justice.
Que de cris de douleur le temple retentisse ;
De leur hymen fatal troublons l’événement,
Et qu’ils ne soient unis, s’il se peut, qu’un moment.
Je ne choisirai point dans ce désordre extrême :
1490Tout me sera Pyrrhus, fût-ce Oreste lui-même,
Je mourrai ; mais au moins ma mort me vengera.
Je ne mourrai pas seule, et quelqu’un me suivra.


Scène III.

ORESTE, HERMIONE, CLÉONE[1].
ORESTE.

Madame, c’en est fait, et vous êtes servie[2] :
Pyrrhus rend à l’autel son infidèle vie.

  1. Dans les éditions de 1665 et de 1673 les personnages sont : oreste, andromaque, hermione, cléone, céphise, Soldats d’Oreste.
  2. Var. Madame, c’en est fait. Partons en diligence.
    Venez dans mes vaisseaux goûter votre vengeance.
    Voyez cette captive : elle peut mieux que moi
    Vous apprendre qu’Oreste a dégagé sa foi.
    herm. Ô Dieux ! c’est Andromaque ? androm. Oui, c’est cette princesse
    Deux fois veuve, et deux fois l’esclave de la Grèce,
    Mais qui jusque dans Sparte ira vous braver tous,
    Puisqu’elle voit son fils à couvert de vos coups.
    Du crime de Pyrrhus complice manifeste,
    J’attends son châtiment. Car je vois bien qu’Oreste,
    Engagé par votre ordre à cet assassinat,