Page:Racine - Œuvres, t2, éd. Mesnard, 1865.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
NOTICE.

d’Oreste et dédaignée de Pyrrhus, celle d’Andromaque qui voudrait sauver son fils et être fidèle aux mânes d’Hector. Mais ces deux intérêts, ces deux plans sont si heureusement rejoints ensemble que, si la pièce n’était pas un peu affaiblie par quelques scènes de coquetterie et d’amour, plus dignes de Térence que de Sophocle, elle serait la première tragédie du théâtre français. »

Toutes les tragédies de Racine, à partir d’Andromaque, ont eu, dans tous les temps, de célèbres interprètes sur la scène. Comme l’éclat qu’ils y ont jeté n’est qu’un reflet de la gloire du poëte, on ne trouverait ici qu’un historique incomplet de ces chefs-d’œuvre, si nous ne rappelions brièvement le souvenir, non point de tous les talents qui en ont dignement secondé les représentations, mais de ceux qui, dans les grands rôles, ont laissé la trace la plus brillante et la plus durable.

Du vivant de Racine, après les comédiens qui ont joué d’original dans Andromaque, et dont nous avons parlé, le nom qui survit entre tous dans la représentation de cette tragédie, est celui de la Champmeslé.

À la rentrée de Pâques de l’année 1670, la Champmeslé, qui venait d’être engagée à l’Hôtel de Bourgogne, y choisit pour ses débuts le rôle d’Hermione, créé avec tant d’éclat par Mlle des Œillets. Malgré son inexpérience, elle eut le plus étonnant succès, surtout dans les derniers actes, où elle rendit les emportements de la passion avec tant de feu que de ce jour elle devint une actrice sans rivale. La des Œillets, éloignée alors de la scène par une maladie à laquelle elle devait bientôt après succomber, avait voulu la voir. Elle sortit de la représentation en s’écriant douloureusement : « Il n’y a plus de des Œillets ! » Ce fut, dit-on, par son admirable jeu dans ce rôle d’Hermione que la Champmeslé toucha le cœur de Racine[1].

Il ne nous reste aucun détail sur le jeu, dans le rôle de Pyrrhus, d’un célèbre acteur du même temps, nous voulons parler de Baron. Mais dans tous ses rôles il était sans égal. Floridor, qui s’était retiré du théâtre en 1671, avait le premier, nous l’avons dit, joué Pyrrhus. On dut cesser de regretter ce comédien si aimé lorsqu’en 1673 Baron, entré bien jeune

  1. Voyez, au tome I, la Notice biographique, p. 78.