Crois que dans son dépit mon cœur est endurci ;
Hélas ! et s’il se peut, fais-le-moi croire aussi.
Tu veux que je le fuie. Hé bien ! rien ne m’arrête :
Allons. N’envions plus son indigne conquête ;
Que sur lui sa captive étende son pouvoir.
Fuyons… Mais si l’ingrat rentroit dans son devoir[1] !
Si la foi dans son cœur retrouvoit quelque place !
S’il venoit à mes pieds me demander sa grâce !
Si sous mes lois, Amour, tu pouvois l’engager !
S’il vouloit !… Mais l’ingrat ne veut que m’outrager.
Demeurons toutefois pour troubler leur fortune ;
Prenons quelque plaisir à leur être importune ;
Ou le forçant de rompre un nœud si solennel,
Aux yeux de tous les Grecs rendons-le criminel.
J’ai déjà sur le fils attiré leur colère ;
Je veux qu’on vienne encor lui demander la mère.
Rendons-lui les tourments qu’elle me fait souffrir :
Qu’elle le perde, ou bien qu’il la fasse périr.
Vous pensez que des yeux toujours ouverts aux larmes[2]
Se plaisent à troubler le pouvoir de vos charmes[3],
Et qu’un cœur accablé de tant de déplaisirs
De son persécuteur ait brigué les soupirs ?
Voyez si sa douleur en paroît soulagée.
Pourquoi donc les chagrins où son âme est plongée ?
- ↑ Aristie, dans Sertorius (acte I, scène iii, vers 267-270), dit à peu près de même :
Vous savez à quel point mon courage est blessé ;
Mais s’il se dédisoit d’un outrage forcé,
S’il chassoit Émilie et me rendoit ma place,
J’aurois peine, Seigneur, à lui refuser grâce. - ↑ Voyez, au tome I (p. 397), la note sur le vers 3 de la Thébaïde, où nous avons signalé la même expression.
- ↑ Var. Pensez-vous que des yeux toujours ouverts aux larmes
Songent à balancer le pouvoir de vos charmes ? (1668 et 73)