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ACTE III, SCÈNE II.

Que sa flamme attendroit si tard pour éclater,
Qu’il reviendroit à moi quand je l’allois quitter ?
Je veux croire avec vous qu’il redoute la Grèce,
Qu’il suit son intérêt plutôt que sa tendresse.
815Que mes yeux sur votre âme étoient plus absolus.

ORESTE.

Non, Madame : il vous aime, et je n’en doute plus.
Vos yeux ne font-ils pas tout ce qu’ils veulent faire ?
Et vous ne vouliez pas sans doute lui déplaire.

HERMIONE.

Mais que puis-je, Seigneur ? On a promis ma foi.
820Lui ravirai-je un bien qu’il ne tient pas de moi ?
L’amour ne règle pas le sort d’une princesse :
La gloire d’obéir est tout ce qu’on nous laisse.
Cependant je partois ; et vous avez pu voir
Combien je relâchois pour vous de mon devoir.

ORESTE.

825Ah ! que vous saviez bien, cruelle… Mais, Madame,
Chacun peut à son choix disposer de son âme.
La vôtre étoit à vous. J’espérois ; mais enfin
Vous l’avez pu donner sans me faire un larcin.
Je vous accuse aussi bien moins que la fortune.
830Et pourquoi vous lasser d’une plainte importune ?
Tel est votre devoir, je l’avoue ; et le mien
Est de vous épargner un si triste entretien.


Scène III.

HERMIONE, CLÉONE.
HERMIONE.

Attendois-tu, Cléone, un courroux si modeste ?

CLÉONE.

La douleur qui se tait n’en est que plus funeste.