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ANDROMAQUE

Hélas ! lorsque lassés de dix ans de misère,
Les Troyens en courroux menaçoient votre mère,
875J’ai su de mon Hector lui procurer l’appui[1].
Vous pouvez sur Pyrrhus ce que j’ai pu sur lui.
Que craint-on d’un enfant qui survit à sa perte ?
Laissez-moi le cacher en quelque île déserte.
Sur les soins de sa mère on peut s’en assurer,
880Et mon fils avec moi n’apprendra qu’à pleurer.

HERMIONE.

Je conçois vos douleurs. Mais un devoir austère,
Quand mon père a parlé, m’ordonne de me taire.
C’est lui qui de Pyrrhus fait agir le courroux.
S’il faut fléchir Pyrrhus, qui le peut mieux que vous ?
885Vos yeux assez longtemps ont régné sur son âme.
Faites-le prononcer : j’y souscrirai, Madame.


Scène V.

ANDROMAQUE, CÉPHISE.
ANDROMAQUE.

Quel mépris la cruelle attache à ses refus !

CÉPHISE.

Je croirois ses conseils, et je verrois Pyrrhus.
Un regard confondroit Hermione et la Grèce…
Mais lui-même il vous cherche.

  1. Dans le chant XXIV de l’Iliade (vers 768-772), Hélène, pleurant la mort d’Hector, rappelle qu’elle avait toujours été traitée par lui avec douceur, et que lorsqu’elle était en butte aux reproches des Troyens, elle était consolée par lui.