Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/106

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Ses soupirs, malgré moi, m’assurent qu’il m’adore.
Quoi qu’il en soit, souffrez que je lui parle encore ;
Et ne le forçons point par ce cruel mépris
D’achever un dessein qu’il peut n’avoir pas pris.

Porus
Hé quoi ? vous en doutez ? et votre âme s’assure
Sur la foi d’un amant infidèle et parjure,
Qui veut à son tyran vous livrer aujourd’hui,
Et croit, en vous donnant, vous obtenir de lui !
Eh bien ! aidez-le donc à vous trahir vous-même.
Il vous peut arracher à mon amour extrême,
Mais il ne peut m’ôter, par ses efforts jaloux,
La gloire de combattre et de mourir pour vous.

Axiane
Et vous croyez qu’après une telle insolence
Mon amitié, Seigneur, serait sa récompense ?
Vous croyez que mon cœur s’engageant sous sa loi,
Je souscrirais au don qu’on lui ferait de moi ?
Pouvez-vous, sans rougir, m’accuser d’un tel crime ?
Ai-je fait pour ce prince éclater tant d’estime ?
Entre Taxile et vous s’il fallait prononcer,
Seigneur, le croyez-vous, qu’on me vît balancer ?
Sais-je pas que Taxile est une âme incertaine,
Que l’amour le retient quand la crainte l’entraîne ?
Sais-je pas que sans moi sa timide valeur
Succomberait bientôt aux ruses de sa sœur ?
Vous savez qu’Alexandre en fit sa prisonnière,
Et qu’enfin cette sœur retourna vers son frère ;
Mais je connus bientôt qu’elle avait entrepris
De l’arrêter au piège où son cœur était pris.

Porus
Et vous pouvez encor demeurer auprès d’elle !
Que n’abandonnez-vous cette sœur criminelle ?
Pourquoi par tant de soins, voulez-vous épargner
Un prince…