Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/132

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Les Indiens domptez font vos moindres ouvrages,.
Vous infpirez la crainte aux plus fermes courages.
Et quand vous le voudrez vos bontez à leur tour
Dans les cœurs les plus durs infpireront l’amour.
Mais, Seigneur, cet éclat, ces victoires, *ces charmes
Me troublent bien louvent par de juftes allarmes.
le crains que làtisfait d’avoir conquis un cœur,
Vous ne l’abandonniez à là trifte langueur,
Qu’infenfible à l’ardeur que vous aurez caufee,
Voftreame ne dédaigne une conquefte aifée.
On attend peu d’amour d’un Heros tel que vous,
La Gloire fit toujours vos traniports les plus doux.
Et peut-eftre, au moment que ce grand Cœur fempire,
La Gloire de me vaincre eft tout ce qu’il defire.

ALEXANDRE.
Que vous connoiflèz mal les violens defirs
D’un amour qui vers vous porte tous mes foûpirs !
J’avouëray qu’autrefois au milieu d’une Armée
Mon Cœur ne foûpiroit que pour la Renommée,
Les Peuples & les Rovs devenus mes fujets,
Eftoient feuls à mes vœux d’allèz dignes objets.
Les Beautez de l’Ane a mes yeux présentées
Auflî bien que Ces Roys ont paru fùrmontées.
Mon Cœur d’un fier mépris armé contre leurs trairs-
N’a pas du moindre hommage honneré leurs attraits
Amoureux de la Gloire, & par tout invincible,
Il mettoit fon bon-heur à paroiftre infenfible.
Mais helas, que vos yeux ces aimables tyrans,
Ont produit lùrmon cœur des effets differens !
Ce grand nom de Vainqueur n’eft plus ce qu’il feu
haitte,

Il vient avec plaifir avouer là défaite,
Heureux fi voflre cœur fe lailfant émouvoir,
Vos beaux yeux à leur tour avoiioient leur pouvoir.
Voulez-vous donc toujours douter de leur victoire ?