Je n’ay point en ſecret partagé vos ennuis ?
Penſez-vous avoir ſeul éprouvé des allarmes ?
Que l’Epire jamais n’ait veû couler mes larmes ?
Enfin, qui vous a dit, que malgré mon devoir,
Je n’ay pas quelquefois ſouhaitté de vous voir ?
Souhaitté de me voir ? Ah divine Princeſſe…
Mais de grace, eſt-ce à moy que ce diſcours s’adreſſe ?
Ouvrez les yeux. Songez qu’Oreſte eſt devant vous,
Oreſte ſi long-temps l’objet de leur courroux.
Oüy, c’eſt vous dont l’amour naiſſant avec leurs charmes,
Leur apprit le premier le pouvoir de leurs armes,
Vous que mille vertus me forçoient d’eſtimer,
Vous que j’ay plaint, enfin que je voudrois aimer.
Je vous entens. Tel eſt mon partage funeſte.
Le Cœur eſt pour Pyrrhus, & les vœux pour Orefle.
Ah ! ne ſouhaittez-pas le deſtin de Pyrrhus,
Je vous haïrois trop.
Ah ! que vous me verriez d’un regard bien contraire !
Vous me voulez aimer, & je ne puis vous plaire,
Et l’Amour ſeul alors ſe faiſant obeïr,
Vous m’aimeriez, Madame, en me voulant haïr,
O dieux ! tant de reſpects, une amitié ſi tendre…
Que de raiſons pour moy, ſi vous pouviez m’entendre !
Vous ſeule pour Pyrrhus diſputez aujourd’huy,
Peut-eſtre malgré vous, ſans doute malgré luy.