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L’Amour n’eſt pas un feu qu’on renferme en une ame,
Tout nous trahit, la voix, le ſilence, les yeux,
Et les feux mal couverts n’en éclatent que mieux.

Hermione

Seigneur, je le voy bien, voſtre ame prévenuë
Répand ſur mes diſcours le venin qui la tuë,
Toûjours dans mes raiſons cherche quelque détour,
Et croit qu’en moy la haine eſt un effort d’amour.
Il faut donc m’expliquer. Vous agirez en ſuite.
Vous ſçavez qu’en ces lieux mon devoir m’a conduite,
Mon devoir m’y retient, & je n’en puis partir,
Que mon Pere, ou Pyrrhus ne m’en faſſe ſortir.
Au nom de Menelas allez luy faire entendre,
Que l’Ennemy des Grecs ne peut eſtre-fon Gendre.
Du Troyen, ou de moy, faites le decider :
Qu’il ſonge qui des deux, il veut rendre, ou garder.
Enfin qu’il me renvoye, ou bien qu’il vous le livre.
Adieu, s’il y conſent, je ſuis preſte à vous ſuivre.



Scène III


Oreste, ſeul



OUy, oüy, vous me ſuivrez, n’en doutez nullement.
Je vous reſpons déja de ſon conſentement.
Je ne crains pas enfin que Pyrrhus la retienne,
Il n’a devant les yeux que ſa chere Troyenne,
Tout autre objet le bleſſe, & peut-eſtre aujour-d’huy
Il n’attend qu’un prétexte à l’éloigner de luy.