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LES FRERES ENNEMIS.

Que de favoriſer le plus noir des forfaits.
Mais en ſont-ils aux mains ?

OLYMPE.

Mais en ſont-ils aux mains ?Du haut de la muraille,
Je les ay veûs déja tous rangez en bataille,
J’ay veu déja le fer briller de toutes parts,
Et pour vous avertir, j’ay quitté les remparts.
J’ay veu le fer en main Etéocle luy-meſme,
Il marche des premiers, & d’une ardeur extrême,
Il montre aux plus hardis à braver le danger.

IOCASTE.

N’en doutons plus, Olympe, ils ſe vont égorger.
Que l’on coure avertir & haſter le Princeſſe,
Je l’attens, Jusſte Ciel ! ſoûtenez ma foibleſſe,
Il faut, il faut courir apres ces inhumains,
Il les faut ſeparer, ou mourir par leurs mains,
Nous voicy donc, Olympe, à ce jour deteſtable
Dont la ſeule frayeur me rendoit miſerable.
Ni prieres, ni pleurs ne m’ont de rien ſervy,
Et le courroux du fort vouloit eſtre aſſouvy.
O toy, qui que tu ſois, qui rens le jour au monde,
Que ne l’as-tu laiſſé dans une nuit profonde ?
A de ſi noirs forfaits, preſtes-tu tes rayons,
Et peux-tu ſans horreur voir ce que nous voyons ?
Mais ces Monſtres, helas ! ne t’épouvantent gueres.
Le ſeul ſang de Lajus les a rendus vulgaires.
Tu peux voir ſans frayeur les crimes de mes Fils,
Apres ceux que le Pere & la Mere ont commis :
Tu ne t’eſtonnes pas ſi mes Fils ſont perfides,
S’ils ſont tous deux méchans, & s’ils ſont parricides,
Tu ſçais qu’ils ſont ſortis d’un ſang inceſtueux,
Et tu t’eſtonnerois s’ils eſtoient vertueux.