Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/323

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Britannicus, Madame, eut des deſſeins ſecrets
Qui vous auroient couſté de plus juſtes regrets.
Il aſpiroit plus loin qu’à l’Hymen de Junie.
De vos propres bontez il vous auroit punie,
Madame, il vous trompoit, & ſon cœur offenſé
Prétendoit toſt ou tard rappeller le paſſé.
Soit donc que malgré vous le ſort vous ait ſervie ;
Soit qu’inſtruit des complots qui menaſſoient ſa vie
Sur ma fidelité Ceſar s’en ſoit remis,
Laiſſez les pleurs, Madame, à vos ſeuls ennemis.
Qu’ils mettent ce mal-heur au rãg des plus ſiniſtres,
Mais vous....

AGRIPPINE.

Pourſuy, Neron, avec de tels Miniſtres.
Par des faits glorieux tu te vas ſignaler.
Pourſuy. Tu n’as pas fait ce pas pour reculer.
Ta main a commencé par le ſang de ton Frere.
Je prevoy que tes coups viendront juſqu’à ta Mere.
Tu te fatiqueras d’entendre tes forfaits.
Tu voudras t’affranchir du joug de mes bien-faits.
Mais je veux que ma mort te ſoit même inutile,
Ne crois pas qu’en mourant je te laiſſe tranquille.
Rome, ce Ciel, ce jour, que tu receus de moy,
Par tout, à tout moment, m’offriront devant toy,
Tes remors te ſuivront comme autant de furies.
Tu croiras les calmer par d’autres barbaries.
Ta fureur s’irritant ſoy-meſme dans ſon cours
D’un ſang toûjours nouveau marquera tous tes jours.
Mais j’eſpere qu’enfin le Ciel las de tes crimes
Ajoûtera ta perte à tant d’autres victimes,
Qu’apres t’eſtre couvert de leur ſang & du mien,
Tu te verras forcé de répandre le tien,
Et ton nom paroiſtra dans la race future
Aux plus cruels tyrans une cruelle injure.