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ANDROMAQVE

Ta haine a pris plaiſir à former ma miſere,
I’eſtois né, pour seruir d’exemple à ta colere,
Pour eſtre du Mal-heur vn modelle accomply ;
Hé bien, ie meurs content, & mon ſort eſt remply.
Où ſont ces deux Amans ? Pour couronner ma joye,
Dans leur ſang, dans le mien, il faut que ie me noye ;
L’vn & l’autre en mourant, ie les veux regarder.
Réüniſſons trois cœurs, qui n’ont pû s’accorder,
Mais quelle épaiſſe nuit tout à coup m’enuironne ?
De quel coſté ſortir ? D’où vient que ie friſſonne ?
Quelle horeur me ſaiſit ? Grace au Ciel, j’entreuoy.
Dieux ! Quels ruiſſeaux de ſang coulent autour de moy !

PYLADE.

Ah ! Seigneur !

ORESTE.

Ah ! Seigneur !Quoy, Pyrrhus, ie te rencontre encore ?
Trouueray-je partout vn Riual que j’abhorre ?
Percé de tant de coups comment t’es-tu ſauué ?
Tiens, tiens, voila le coup que ie t’ay reſerué.
Mais que vois-je ? À mes yeux Hermionne l’embraſſe ?
Elle vient l’arracher au coup qui le menaſſe ?
Dieux, quels affreux regards elle jette ſur moy !
Quels Démons, quels ſerpents traiſne-t’elle apres ſoy ?
Hé bien, Filles d’Enfer, vos mains ſont-elles preſtes ?
Pour qui ſont ces Serpens qui ſifflent ſur vos teſtes ?
À qui deſtinez-vous l’appareil qui vous ſuit ?
Venez-vous m’enleuer dans l’eternelle Nuit ?