Page:Racine - Britannicus 1670.djvu/73

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Quel ſeroit mon deſſein ? Qu’aurois-je pû pretendre ?
Quels honneurs dans ſa Cour, quel rang pourrois-je attendre ?
Ah ! ſi ſous voſtre Empire on ne m’épargne pas,
Si mes Accuſateurs obſervent tous mes pas,
Si de leur Empereur ils pourſuivent la Mere,
Que ferois-je au milieu d’une Cour eſtrangere ?
Ils me reprocheroient, non des cris impuiſſans,
Des deſſeins eſtouffez auſſi-toſt que naiſſans,
Mais des crimes pour vous commis à voſtre veuë,
Et dont je ne ſerois que trop toſt convaincuë.
Vous ne me trompez point, je voy tous vos dêtours,
Vous eſtes un Ingrat, vous le fuſtes toûjours.
Dés vos plus jeunes ans mes ſoins & mes tendreſſes
N’ont arraché de vous que de feintes careſſes.
Rien ne vous a pû vaincre, & voſtre dureté
Auroit dû dans ſon cours arreſter ma bonté.
Que je ſuis mal-heureuſe ! Et par quelle infortune
Faut-il que tous mes ſoins me rendent importune ?
Je n’ay qu’un Fils. O Ciel, qui m’entens aujourd’huy,
T’ay-je fait quelques vœux qui ne fuſſent pour luy ?
Remors, crainte, perils, rien ne m’a retenuë.
J’ay vaincu ſes mépris, j’ay détourné ma veuë
Des mal-heurs qui dés-lors me furent annoncez.
J’ay fait ce que j’ay pû, vous regnez, c’eſt aſſez.
Avec ma liberté, que vous m’avez ravie,
Si vous le ſouhaittez prenez encor ma vie ;
Pourveu que par ma mort tout le Peuple irrité
Ne vous raviſſe pas ce qui m’a tant couſté.

NERON.
Hé bien donc, prononcez, que voulez-vous qu’on faſſe ?
AGRIPPINE.
De mes Accuſateurs qu’on puniſſe l’audace,