Page:Racine - Britannicus 1670.djvu/80

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Il ſçaura que ma main luy devoit preſenter
Un poiſon, que voſtre ordre avoit fait apprêter.
Les Dieux de ce deſſein puiſſent-ils le diſtraire !
Mais peut-eſtre il fera ce que vous n’oſez faire.

NERON.
On répond de ſon cœur, & je vaincray le mien.
NARCISSE.
Et l’Hymen de Junie en eſt-il le lien ?

Seigneur, luy faites-vous encor ce ſacrifice ?

NERON.
C’eſt prendre trop de ſoin. Quoy qu’il en ſoit, Narciſſe,

Je ne le compte plus parmy mes Ennemis.

NARCISSE.
Agrippine, Seigneur, ſe l’étoit bien promis.

Elle a repris ſur vous ſon ſouverain Empire.

NERON.
Quoy donc ? Qu’a-t-elle dit ? Et que voulez-vous dire ?
NARCISSE.
Elle s’en eſt vantée aſſez publiquement.
NERON.
De quoy ?
NARCISSE.
De quoy ? Qu’elle n’avoit qu’à vous voir un moment :

Qu’à tout ce grand éclat, à ce courroux funeſte
On verroit ſucceder un ſilence modeſte,
Que vous meſme à la Paix ſouſcririez le premier,
Heureux que ſa bonté daignaſt tout oublier.

NERON.
Mais, Narciſſe, dy-moy, que veux-tu que je faſſe ?

Je n’ay que trop de pente à punir ſon audace.
Et ſi je m’en croyois, ce triomphe indiſcret
Seroit bien-toſt ſuivy d’un éternel regret.