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NOTICE SUR ANDROMAQUE



Andromaque fut jouée le 17 novembre 1667 par les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, dans l’appartement de la reine, devant le roi et la cour.

Il n’est pas sûr qu’elle eût été donnée huit jours avant au public, ni la veille, et la cour eut peut-être la première représentation.

Le succès fut vif. On n’attendait encore de Racine que des Alexandre : il n’y eut pas de cabale montée, et le public ne s’égara pas. Les amis et admirateurs de Corneille prirent de l’inquiétude, qui se traduit clairement dans les lettres de Saint-Évremond au comte de Lionne.

« Il me paraît qu’Andromaque a bien de l’air des belles choses ; il s’en faut presque rien qu’il n’y ait du grand. Ceux qui n’entreront pas assez dans les choses l’admireront, ceux qui veulent des beautés pleines y chercheront je ne sais quoi qui les empêchera d’être tout à fait contents. Vous avez raison de dire que cette pièce est déchue par la mort de Montfleury : car elle a besoin de grands comédiens, qui remplissent par l’action ce qui lui manque. Mais à tout prendre, c’est une belle pièce et qui est fort au-dessus du médiocre, quoiqu’un peu au-dessous du grand. »

Il revenait un peu plus tard sur le même sujet, et disait :

« Ceux qui m’ont envoyé Andromaque m’en ont demandé mon sentiment. Comme je vous l’ai dit, elle m’a semblé très belle : mais je crois qu’on peut aller plus loin dans les passions, et qu’il y a encore quelque chose de plus profond dans le sentiment, que ce qui s’y trouve : ce qui doit être tendre n’est que doux, et ce qui doit exciter de la pitié ne donne que de la tendresse. Cepen-