Page:Racine - Théâtre choisi, 1904, éd. Lanson.djvu/54

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Et de ses vœux troublés lui rapportant l’hommage,
Soupirer à ses pieds moins d’amour que de rage.
Ainsi n’attendez pas que l’on puisse aujourd’hui
120Vous répondre d’un cœur si peu maître de lui :
Il peut, Seigneur, il peut, dans ce désordre extrême,
Épouser ce qu’il hait, et punir ce qu’il aime[1].

ORESTE.

Mais dis-moi de quel œil Hermione peut voir
Son hymen différé, ses charmes sans pouvoir[2] ?

PYLADE.

125Hermione, Seigneur, au moins en apparence,
Semble de son amant dédaigner l’inconstance,
Et croit que trop heureux de fléchir sa rigueur[3],
Il la viendra presser de reprendre son cœur.
Mais je l’ai vue enfin me confier ses larmes.
130Elle pleure en secret le mépris de ses charmes.
Toujours prête à partir et demeurant toujours,
Quelquefois elle appelle Oreste à son secours.

ORESTE.

Ah ! si je le croyois, j’irois bientôt, Pylade,
Me jeter…

PYLADE.

Me jeter…Achevez, Seigneur, votre ambassade.
135Vous attendez le Roi. Parlez, et lui montrez
Contre le fils d’Hector tous les Grecs conjurés.
Loin de leur accorder ce fils de sa maîtresse,
Leur haine ne fera qu’irriter sa tendresse.

  1. Racine avait écrit perdre, qu’il aura jugé équivoque et faible.
  2. On lisait d’abord : et ses yeux sans pouvoir. Subligny railla ce galimatias : de quel œil elle voit ses yeux (III, 8).
  3. Fléchir : il y avait d’abord apaiser, que Subligny (Préface) critiqua comme impropre.