Page:Racine - Théâtre choisi, 1904, éd. Lanson.djvu/109

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HERMIONE.

Partons, je suis tout prêt. Non, Seigneur, demeurons :
Je ne veux pas si loin porter de tels affronts.
Quoi ? de mes ennemis couronnant l’insolence,
J’irois attendre ailleurs une lente vengeance ?
Et je m’en remettrois au destin des combats,
Qui peut-être à la fin ne me vengeroit pas ?
Je veux qu’à mon départ toute l’Épire pleure.
Mais si vous me vengez, vengez-moi dans une heure.
Tous vos retardements sont pour moi des refus.
Courez au temple. Il faut immoler…

ORESTE.

Courez au temple. Il faut immoler… Qui ?

HERMIONE.

Courez au temple. Il faut immoler… Qui ? Pyrrhus[1].

ORESTE.

Pyrrhus, Madame ?

HERMIONE.

Pyrrhus, Madame ? Hé quoi ? votre haine chancelle ?
Ah ! courez, et craignez que je ne vous rappelle.
N’alléguez point des droits que je veux oublier ;
Et ce n’est pas à vous à le justifier.

ORESTE.

Moi, je l’excuserois ? Ah ! vos bontés. Madame,
Ont gravé trop avant ses crimes dans mon âme.
Vengeons-nous, j’y consens, mais par d’autres chemins.

  1. Il y a des idées analogues dans Quinault, Mort de Cyrus (III, 9, et IV, 4 et 5) et Amalasonte (III, 5). Mais Quinault esquive les situations violentes qu’il indique. Or une situation ne vaut que selon la façon dont on la traite.