Page:Racine - Théâtre choisi, 1904, éd. Lanson.djvu/120

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Qu’il périsse ! Aussi bien il ne vit plus pour nous.
Le perfide triomphe, et se rit de ma rage :
Il pense voir en pleurs dissiper cet orage ;
Il croit que toujours foible et d’un cœur incertain,
Je parerai d’un bras les coups de l’autre main.
Il juge encor de moi par mes bontés passées.
Mais plutôt le perfide a bien d’autres pensées.
Triomphant dans le temple, il ne s’informe pas
Si l’on souhaite ailleurs sa vie ou son trépas.
Il me laisse, l’ingrat ! cet embarras funeste.
Non, non, encore un coup : laissons agir Oreste.
Qu’il meure, puisqu’enfin il a dû le prévoir.
Et puisqu’il m’a forcée enfin à le vouloir.
À le vouloir ? Hé quoi ? c’est donc moi qui l’ordonne ?
Sa mort sera l’effet de l’amour d’Hermione ?
Ce prince, dont mon cœur se faisoit autrefois
Avec tant de plaisir redire les exploits,
À qui même en secret je m’étois destinée
Avant qu’on eût conclu ce fatal hyménée,
Je n’ai donc traversé tant de mers, tant d’États,
Que pour venir si loin préparer son trépas ?
L’assassiner, le perdre ? Ah ! devant qu’il expire…



Scène II

HERMIONE, CLÉONE.
HERMIONE.

Ah ! qu’ai-je fait, Cléone ? et que viens-tu me dire ?
Que fait Pyrrhus ?

CLÉONE.

Que fait Pyrrhus ? Il est au comble de ses vœux,
Le plus fier des mortels, et le plus amoureux.