Page:Racine - Théâtre choisi, 1904, éd. Lanson.djvu/39

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À MADAME[1]

Madame,

Ce n’est pas sans sujet que je mets votre illustre nom à la tête de cet ouvrage. Et de quel autre nom pourrois-je éblouir les yeux de mes lecteurs, que de celui dont mes spectateurs ont été si heureusement éblouis ? On savoit que Votre Altesse Royale avoit daigné prendre soin de la conduite de ma tragédie. On savoit que vous m’aviez prêté quelques-unes de vos lumières pour y ajouter de nouveaux ornements. On savoit enfin que vous l’aviez honorée de quelques larmes dès la première lecture que je vous en fis. Pardonnez-moi, Madame, si j’ose me vanter de cet heureux commencement de sa destinée. Il me console bien glorieusement de la dureté de ceux qui ne voudroient pas s’en laisser toucher. Je leur permets de condamner l’Andromaque tant qu’ils voudront, pourvu qu’il me soit permis d’appeler de toutes les subtilités de leur esprit au cœur de Votre Altesse Royale.

Mais, Madame, ce n’est pas seulement du cœur que vous jugez de la bonté d’un ouvrage, c’est avec une intelligence qu’aucune fausse lueur ne sauroit tromper. Pouvons-nous

  1. Madame, la première duchesse d’Orléans, Henriette-Anne d’Angleterre, fille de Charles Ier et d’Henriette de France (1614-1670). Racine en parle comme bientôt en parlera Bossuet dans son Oraison funèbre.