Page:Racine - Théâtre choisi, 1904, éd. Lanson.djvu/72

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Et peut-être il saura se l’aire aimer lui-même.
Allons : qu’il vienne enfin.

CLÉONE.

Allons : qu’il vienne enfin. Madame, le voici.

HERMIONE.

Ah ! je ne croyois pas qu’il fût si près d’ici.



Scène II

HERMIONE, ORESTE, CLÉONE.
HERMIONE.

Le croirai-je, Seigneur, qu’un reste de tendresse
Vous fasse ici chercher une triste princesse ?
Ou ne dois-je imputer qu’à votre seul devoir[1]
L’heureux empressement qui vous porte à me voir ?
Tel est de mon amour l’aveuglement funeste.

ORESTE.

Vous le savez, Madame ; et le destin d’Oreste
Est de venir sans cesse adorer vos attraits,
Et de jurer toujours qu’il n’y viendra jamais.
Je sais que vos regards vont rouvrir mes blessures,
Que tous mes pas vers vous sont autant de parjures :
Je le sais, j’en rougis. Mais j’atteste les Dieux,
Témoins de la fureur de mes derniers adieux,
Que j’ai couru partout où ma perte certaine
Dégageoit mes serments et fmissoit ma peine.
J’ai mendié la mort chez des peuples cruels

  1. Devoir : devoir de civilité.