Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome1.djvu/221

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Je ne t’ai point aimé, cruel ? Qu’ai-je donc fait ? J’ai dédaigné pour toi les vœux de tous nos princes ; Je t’ai cherché moi-même au fond de tes provinces ; J’y suis encor, malgré tes infidélités, Et malgré tous mes Grecs honteux de mes bontés. Je leur ai commandé de cacher mon injure ; J’attendais en secret le retour d’un parjure ; J’ai cru que tôt ou tard, à ton devoir rendu, Tu me rapporterais un cœur qui m’était dû. Je t’aimais inconstant, qu’aurais-je fait fidèle ? Et même en ce moment où ta bouche cruelle Vient si tranquillement m’annoncer le trépas, Ingrat, je doute encor si je ne t’aime pas. Mais, Seigneur, s’il le faut, si le ciel en colère Réserve à d’autres yeux la gloire de vous plaire, Achevez votre hymen, j’y consens ; mais du moins Ne forcez pas mes yeux d’en être les témoins. Pour la dernière fois je vous parle peut-être. Différez-le d’un jour, demain, vous serez maître… Vous ne répondez point ? Perfide, je le voi : Tu comptes les moments que tu perds avec moi ! Ton cœur, impatient de revoir ta Troyenne, Ne souffre qu’à regret qu’un autre t’entretienne. Tu lui parles du cœur, tu la cherches des yeux. Je ne te retiens plus, sauve-toi de ces lieux, Va lui jurer la foi que tu m’avais jurée, Va profaner des dieux la majesté sacrée. Ces dieux, ces justes dieux n’auront pas oublié Que les mêmes serments avec moi t’ont lié. Porte au pied des autels ce cœur qui m’abandonne, Va, cours ; mais crains encor d’y trouver Hermione.


Scène VI

Pyrrhus, Phoenix

Phoenix

Seigneur,