Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome1.djvu/240

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Mais je n'y perdois rien. Enfin, vaille que vaille,
J'aurois ſur le marché fort bien fourni la paille.
C'eſt dommage. Il avoit le cœur trop au métier,
Tous les jours le premier aux Plaids, & le dernier ;
Et bien ſouvent, tout ſeul, ſi l'on l'eût voulu croire,
Il s'y ſeroit couché ſans manger & ſans boire.
Je lui diſois par fois : Monsieur Perrin Dandin,
Tout franc, vous vous levez tous les jours trop matin.
Qui veut voyager loin, ménage ſa monture ;
Buvez, mangez, dormez, & faiſons feu qui dure.
Il n'en a tenu compte. Il a ſi bien veillé.
Et ſi bien fait, qu'on dit que son timbre eſt brouillé.
Il nous veut tous juger les uns après les autres.
Il marmote toujours certaines patenôtres
Où je ne comprens rien. Il veut, bon gré, malgré,
Ne ſe coucher qu'en robbe, & qu'en bonnet quarré.
Il fit couper la tête à ſon coq, de colère,
Pour l'avoir éveillé plus tard qu'à l'ordinaire ;
Il diſoit qu'un Plaideur dont l'affaire alloit mal,
Avoit graiſſé la patte à ce pauvre animal.
Depuis ce bel arrêt, le pauvre homme a beau faire,
Son fils ne ſouffre plus qu'on lui parle d'affaire.
Il nous le fait garder jour & nuit, & de près :
Autrement ſerviteur, & mon homme eſt aux Plaids.
Pour s'échapper de nous, Dieu ſait s'il eſt allègre.
Pour moi, je ne dors plus. Auſſi je deviens maigre,
C'est pitié. Je m'étends, & ne fais que bâiller.
Mais veille qui voudra, voici mon oreiller.
Ma foi, pour cette nuit, il faut que je m'en donne.
Pour dormir dans la rue on n'offenſe personne.
Dormons.     (Il ſe couche par terre.)