Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome1.djvu/83

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Par d’illuſtres exploits couronnez-vous vous-meſme,
Qu’un ſuperbe laurier ſoyt votre diadème ;
Régnez & triomphez, & joignez à la fois
La gloire des héros à la pourpre des rois.
Quoi ? votre ambition ſerait-elle bornée
À régner tour à tour l’eſpace d’une année ?
Cherchez à ce grand cœur, que rien ne peut dompter,
Quelque troſne où vous ſeul ayez droit de monter.
Mille ſceptres nouveaux s’offrent à votre épée,
Sans que d’un ſang ſi cher nous la voyions trempée.
Vos triomphes pour moy n’auront rien que de doux,
Et votre frère meſme ira vaincre avec vous.

Polynice
Vous voulez que mon cœur, flatté de ces chimères,
Laiſſe un uſurpateur au troſne de mes pères ?

Jocaſte
Si vous luy ſouhaitez en effect tant de mal,
Elevez-le vous-meſme à ce troſne fatal.
Ce troſne fut toujours un dangereux abîme ;
La foudre l’environne auſſi bien que le crime ;
Votre père & les rois qui vous ont devancez,
Sitoſt qu’ils y montaient, s’en ſont vus renverſez.

Polynice
Quand je devrais au ciel rencontrer le tonnerre,
J’y monterais plutoſt que de ramper à terre.
Mon cœur, jaloux du ſort de ces grands malheureux,
Veut s’élever, Madame, & tomber avec eux.

Étéocle
Je ſaurai t’épargner une chute ſi vaine.

Polynice
Ah ! ta chute, crois-moi, précédera la mienne !

Jocaſte
Mon fils, ſon règne plaît.

Polynice
Mais il m’eſt odieux.

Jocaſte
Il a pour luy le peuple.