Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome1.djvu/87

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Pour ſauver ce que j’aime.
Hémon, vois le pouvoir que l’amour a ſur moy :
Je ne vivrais pas pour moi-meſme,
Et je veux bien vivre pour toy.
Si jamais tu doutas de ma flamme fidèle…
Mais voicy du combat la funeſte nouvelle.
Scène 2
Antigone, Olympe

Antigone
Eh bien ! ma chère Olympe, as-tu vu ce forfoit ?

Olympe
J’y ſuis courue en vain, c’en étoit déjà fait.
Du haut de nos remparts j’ai vu deſcendre en larmes
Le peuple qui couroit & qui crioit aux armes ;
Et pour vous dire enfin d’où venoit ſa terreur,
Le roi n’eſt plus, Madame, & ſon frère eſt vainqueur.
On parle auſſi d’Hémon : l’on dit que ſon courage
S’eſt efforcé longtemps de ſuſpendre leur rage,
Mais que tous ſes efforts ont été ſuperflus.
C’eſt ce que j’ai compris de mille bruits confus.

Antigone
Ah ! je n’en doute pas, Hémon eſt magnanime ;
Son grand cœur eut toujours trop d’horreur pour le crime.
Je l’avais conjuré d’empeſcher ce forfait,
Et s’il l’avoit pu faire, Olympe, il l’auroit fait.
Mais, hélas ! leur fureur ne pouvoit ſe contraindre :
Dans des ruiſſeaux de ſang elle vouloit s’éteindre.
Princes dénaturez, vous voilà ſatiſfaits :
La mort ſeule entre vous pouvoit mettre la paix.
Le troſne pour vous deux avoit trop peu de place ;
Il falloit entre vous mettre un plus grand eſpace,