Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/107

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Ne vous informez point ce que je deviendrai.

Peut-être à mon destin, Seigneur, j'obéirai.

Que sais-je? A ma douleur je chercherai des charmes.

Je songerai peut-être, au milieu de mes larmes,

Qu'à vous perdre pour moi vous étiez résolu,

Que vous vivez, qu'enfin c'est moi qui l'ai voulu.

Bajazet

Non, vous ne verrez point cette fête cruelle.

Plus vous me commandez de vous être infidèle,

Madame, plus je vois combien vous méritez

De ne point obtenir ce que vous souhaitez.

Quoi? cet amour si tendre, et né dans notre enfance,

Dont les feux avec nous ont crû dans le silence,

Vos larmes que ma main pouvait seule arrêter,

Mes serments redoublés de ne vous point quitter,

Tout cela finirait par une perfidie?

J'épouserais, et qui? (s'il faut que je le die)

Une esclave attachée à ses seuls intérêts,

Qui présente à mes yeux les supplices tout prêts,

Qui m'offre ou son hymen, ou la mort infaillible;

Tandis qu'à mes périls Atalide sensible,

Et trop digne du sang qui lui donna le jour,

Veut me sacrifier jusques à son amour.

Ah! qu'au jaloux sultan ma tête soit portée,

Puisqu'il faut à ce prix qu'elle soit rachetée!

Atalide

Seigneur, vous pourriez vivre, et ne me point trahir.

Bajazet

Parlez: si je le puis, je suis prêt d'obéir.

Atalide

La sultane vous aime; et malgré sa colère,

Si vous preniez, Seigneur, plus de soin de lui plaire,

Si vos soupirs daignaient lui faire pressentir

Qu'un jour...

Bajazet

Je vous entends: je n'y puis consentir.