Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/113

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Non; mais à dire vrai ce miracle m'étonne.

Et dit-on à quel prix Roxane lui pardonne?

L'épouse-t-il enfin?

Acomat

Madame, je le croi.

Voici tout ce qui vient d'arriver devant moi.

Surpris, je l'avouerai, de leur fureur commune,

Querellant les amants, l'amour et la fortune,

J'étais de ce palais sorti désespéré.

Déjà, sur un vaisseau dans le port préparé,

Chargeant de mon débris les reliques plus chères,

Je méditais ma fuite aux terres étrangères.

Dans ce triste dessein au palais rappelé,

Plein de joie et d'espoir, j'ai couru, j'ai volé,

La porte du sérail à ma voix s'est ouverte,

Et d'abord une esclave à mes yeux s'est offerte,

Qui m'a conduit sans bruit dans un appartement

Où Roxane attentive écoutait son amant.

Tout gardait devant eux un auguste silence.

Moi-même, résistant à mon impatience,

Et respectant de loin leur secret entretien,

J'ai longtemps, immobile, observé leur maintien.

Enfin, avec des yeux qui découvraient son âme,

L'une a tendu la main pour gage de sa flamme;

L'autre, avec des regards éloquents, pleins d'amour,

L'a de ses feux, Madame, assurée à son tour.

Atalide

Hélas!

Acomat

Ils m'ont alors aperçu l'un et l'autre.

"Voilà, m'a-t-elle dit, votre prince et le nôtre.

Je vais, brave Acomat, le remettre en vos mains.

Allez lui préparer les honneurs souverains;

Qu'un peuple obéissant l'attende dans le temple:

Le sérail va bientôt vous en donner l'exemple."

Aux pieds de Bajazet alors je suis tombé,

Et soudain à leurs yeux je me suis dérobé;