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Cent fois je me ſuis fait une douceur extrême
D’entretenir Titus dans un autre lui-même.

Antiochus

Et c’eſt ce que je fuis. J’évite, mais trop tard,
Ces cruels entretiens, où je n’ai point de part.
Je fuis Titus. Je fuis ce nom qui m’inquiète,
Ce nom qu’à tous momens votre bouche répète.
Que vous dirai-je enfin ? Je fuis des yeux diſtraits,
Qui me voyant toujours, ne me voyoient jamais.
Adieu. Je vais, le cœur trop plein de votre image,
Attendre, en vous aimant, la mort pour mon partage.
Sur-tout, ne craignez point qu’une aveugle douleur
Rempliſſe l’univers du bruit de mon malheur :
Madame, le ſeul bruit d’une mort que j’implore,
Vous fera souvenir que je vivois encore.
À Dieu.


Scène V.

BÉRÉNICE, PHÉNICE
Phénice

À Dieu.Que je le plains ! Tant de fidélité,
Madame, méritoit plus de proſpérité.
Ne le plaignez-vous pas ?

Bérénice

Ne le plaignez-vous pas ? Cette prompte retraite
Me laiſſe, je l’avoue, une douleur ſecrette.

Phénice

Je l’aurois retenu.

Bérénice

Je l’aurois retenu. Qui, moi ? Le retenir ?
J’en dois perdre plûtôt juſques au ſouvenir.
Tu veux donc que je flatte une ardeur inſenſée ?

Phénice

Titus n’a point encore expliqué ſa penſée.