Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/304

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ver la vraiſemblance de l’hiſtoire, ſans rien perdre des ornemens de la fable qui fournit extrêmement à la poëſie. Et le bruit de la mort de Théſée, fondé ſur ce voyage fabuleux, donne lieu à Phèdre de faire une déclaration d’amour, qui devient une des principales cauſes de ſon malheur, & qu’elle n’auroit jamais oſé faire tant qu’elle auroit cru que ſon mari étoit vivant.

Au reſte, je n’oſe encore aſſurer que cette pièce ſoit en effet la meilleure de mes tragédies. Je laiſſe, & aux lecteurs, & au temps, à décider de ſon véritable prix. Ce que je puis aſſurer, c’eſt que je n’en ai point faite où la vertu ſoit plus miſe en jour que dans celle-ci. Les moindres fautes y ſont ſévérement punies. La ſeule penſée du crime y eſt regardée avec autant d’horreur que le crime même. Les foibleſſes de l’amour y paſſent pour de vraies foibleſſes. Les paſſions n’y font préſentées aux yeux que pour montrer tout le déſordre dont elles ſont cauſe ; & le vice y eſt peint par-tout avec des couleurs qui en font connoître & hair la difformité. C’eſt-là proprement le but que tout homme qui travaille pour le public doit ſe propoſer ; & c’eſt ce que les premiers poëtes tragiques avoient en vue ſur toute choſe. Leur théâtre étoit une école où la vertu n’étoit pas moins bien enſeignée que dans les écoles des philoſophes. Auſſi Ariſtote a bien voulu donner