Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

IV.====

Atalide, Zaïre

Atalide

Zaïre, c'en est fait, Atalide est perdue!

Zaïre

Vous?

Atalide

Je prévois déjà tout ce qu'il faut prévoir.

Mon unique espérance est dans mon désespoir.

Zaïre

Mais, Madame, pourquoi?

Atalide

Si tu venais d'entendre

Quel funeste dessein Roxane vient de prendre,

Quelles conditions elle veut imposer!

Bajazet doit périr, dit-elle, ou l'épouser.

S'il se rend, que deviens-je en ce malheur extrême?

Et s'il ne se rend pas, que devient-il lui-même?

Zaïre

Je conçois ce malheur. Mais, à ne point mentir,

Votre amour dès longtemps a dû le pressentir.

Atalide

Ah, Zaïre! l'amour a-t-il tant de prudence?

Tout semblait avec nous être d'intelligence:

Roxane, se livrant tout entière à ma foi,

Du cœur de Bajazet se reposait sur moi,

M'abandonnait le soin de tout ce qui le touche,

Le voyait par mes yeux, lui parlait par ma bouche;

Et je croyais toucher au bienheureux moment

Où j'allais par ses mains couronner mon amant.

Le ciel s'est déclaré contre mon artifice.

Et que fallait-il donc, Zaïre, que je fisse?