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Page:Radcliffe - L’Italien (trad. Fournier), 1864.djvu/151

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, la femme qui s’introduit dans une famille pour la déshonorer n’est-elle pas aussi coupable que celle qui aurait commis un crime d’État ? Car c’en est un que d’insulter et d’avilir la noblesse, le premier soutien de l’État. Ne mérite-t-elle pas d’être punie d’une peine presque égale ?

— D’une peine presque égale, madame ? reprit Schedoni. Ce n’est pas assez. Dites de la même peine.

Et il fit encore une pause.

— En vérité, ajouta-t-il en donnant à sa voix creuse un accent encore plus sinistre, il n’y a que la mort, oui, la mort, qui puisse effacer le déshonneur d’une famille dont le blason est ainsi traîné dans la boue !

La marquise tressaillit. Il continua d’un ton grave :

— La justice naturelle n’en existe pas moins, quoique ses lois ne soient pas toujours écrites. Nous en avons le sentiment dans nos cœurs ; et quand nous n’y obéissons pas, c’est faiblesse et non pas vertu.

— Assurément, dit la marquise, et c’est là une vérité qui n’a jamais été mise en doute.

— Pardonnez-moi, madame, reprit l’artificieux sophiste, ce doute a lieu quelquefois. Lorsque nos préjugés sont en opposition avec ce sentiment de justice, nous sommes portés à croire que c’est vertu que de désobéir à sa voix. Vous, par exemple, vous, ma fille, quoique douée d’un esprit mâle et juste, parce que les lois écrites ne condamnent pas cette fille dont la justice a prononcé la sentence, vous croiriez commettre un crime en vous faisant son