Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T5.djvu/146

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çoit ; elle levoit les yeux sur un firmament sans nuages, qu’éclairoient seulement les étoiles. Dorothée reprit à voix basse :

— Je vous disois donc, mademoiselle, que je me rappelois la première fois que j’avois entendu cette musique ; c’étoit une nuit, peu de temps après la mort de madame ; j’étois restée plus tard qu’à l’ordinaire, je ne sais pas comment cela s’étoit fait ; j’avois rêvé long-temps à ma pauvre maîtresse, et à la triste scène dont je venois d’être témoin. Tout au château étoit tranquille ; j’étois fort loin de tous les domestiques ; cette solitude, les tristes choses auxquelles j’avois pensé, m’avoient presque épuisée ; je me sentois isolée ; je cherchois à entendre quelque bruit : vous savez, mademoiselle, que quand on entend du mouvement, on ne craint pas si fort. Tout le monde étoit couché ; je restois là songeant et méditant ; j’avois peur de regarder dans la chambre, et la figure de ma pauvre dame me revenoit à l’esprit, comme je l’avois vue quand elle étoit mourante. Une ou deux fois je crus la voir réellement devant moi ; tout-à-coup j’entendis une musique si douce ! elle sembloit presque à ma fenêtre : je n’oublierai jamais ce que je sentis ; je n’avois pas la force de me lever,