Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T5.djvu/148

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peuvent prendre la figure qu’ils veulent ; ils sont là, ils sont ici, l’instant d’après ils sont ailleurs.

— De grâce, reprenez l’histoire de la marquise, dit Emilie, et informez-moi de son genre de mort.

— Je le veux bien, dit Dorothée ; mais retirons-nous de la fenêtre.

— Cet air pur me fait du bien, dit Emilie ; j’aime à l’entendre murmurer au bord des bois, et à regarder ce paysage obscur : vous parliez de M. le marquis, quand la musique vous a interrompue.

— Oui, mademoiselle ; M. le marquis devint de plus en plus sombre, et madame empiroit tous les jours. Une nuit elle fut très-mal ; on vint m’appeler ; je courus auprès de son lit, et je fus effrayée de son état. Quel changement ! elle me regarda de manière à pénétrer de compassion ; elle me pria d’appeler le marquis, qui n’étoit pas encore venu chez elle, et de lui dire qu’elle avoit des choses secrètes à lui communiquer. Il vint, parut affligé de la voir si mal, et parla fort peu. Ma maîtresse lui dit qu’elle se sentoit mourante, et desiroit de l’entretenir seul ; je sortis, et je n’oublieroi jamais le regard qu’elle me jeta en ce moment.