Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T6.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je ne puis vous rien dire en ce moment. Si vous voulez en savoir davantage, venez me trouver dans ma cellule à l’heure de la retraite. Souvenez-vous qu’on se lève à minuit pour matines ; venez avant ou après.

Emilie promit de s’en souvenir. L’abbesse entra bientôt. On ne parla plus de l’infortunée religieuse.

Le comte, de retour au château, avoit trouvé M. Dupont dans un vif transport de désespoir où son amour pour Emilie le réduisoit souvent ; amour qui duroit depuis trop long-temps pour être facilement vaincu ; amour contre lequel avoient échoué tous les efforts de ses amis. M. Dupont avait vu Emilie en Gascogne ; son père, qui découvrit toute la passion dont mademoiselle Saint-Aubert étoit l’objet, et qui la trouvoit trop peu riche, l’empêcha de se déclarer, et lui défendit de penser à elle. Pendant la vie de son père, il s’étoit soumis à la première loi, mais la seconde lui avoit paru impraticable. Il avoit quelquefois adouci sa passion en visitant les lieux que Emilie fréquentoit, et surtout la pêcherie. Une fois ou deux, il lui avoit parlé de ses sentimens en vers ; mais il avoit caché son nom pour obéir aux ordres de son père. C’est là aussi qu’il avoit joué l’air