Page:Raguey - Le Buste voilé, Roman complet no 19, 1916.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

général des notions que bien des artistes de profession auraient pu envier. Elles me fit des remarques fort judicieuses, et se permit même de me donner quelques conseils. Ils étaient excellents, et j’eus la franchise de le lui avouer, ce qui flatta beaucoup son amour-propre, et me valut immédiatement ses sympathies.

Autant le désir exprimé par la jeune fille d’avoir son buste m’avait flatté, autant l’indifférence du jeune frère me froissait. Mais je ne laissai percer ni l’un ni l’autre de ces sentiments. Je n’étais pas fâché, d’ailleurs, qu’ils ignorassent que je savais assez d’anglais pour pouvoir les comprendre.

Bientôt miss Margaret devint une visiteuse assidue de mon atelier. Son frère venait quelquefois avec elle ; mais le plus souvent elle était seule ; ce qui n’a rien de surprenant pour ceux qui connaissent de quelle liberté jouissent les jeunes filles anglaises et américaines. Elle abordait, à l’occasion, et sans que rien vint altérer l’étonnante sérénité de son front, des questions qui auraient effarouché la plupart des jeunes Françaises de sa condition et de son âge. Elle parlait indifféremment de philosophie et de religion, d’art et de littérature, d’amour et de mariage. Sur ces deux derniers points elle avait des idées si nettes et si précises, que j’en ressentais parfois comme des épouvantements.