Page:Ramayana trad Hippolyte Fauche vol1.djvu/130

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Quand elle vit Râma ainsi ferme dans sa résolution de partir, la reine Kâauçalyâ, sa mère, lui tint ce discours, le cœur déchiré, gémissante, malade entièrement de son chagrin, elle, si digne du plaisir, et néanmoins toute plongée dans la douleur :

« Si, mettant le devoir avant tout, tu veux marcher dans sa ligne, écoute donc ma parole, conforme à ses règles, ô toi le plus distingué entre ceux qui obéissent à ses lois ! C’est à ma voix surtout que tu dois obéir, mon fils, car tu es le fruit obtenu par mes pénibles vœux et mes laborieuses pénitences. Quand tu étais un faible enfant, Râma, c’est moi qui t’ai protégé dans une haute espérance ; maintenant que tu en as la force, c’est donc à toi de me soutenir sous le poids du malheur. Considère, mon fils, que ton exil me prive en ce jour de la vie, et ne donne point à Kêkéyî, mon ennemie, le bonheur de voir ses vœux réalisés.

« Méprisée vis-à-vis de Kêkéyî surtout, il m’est impossible, Râma, de supporter ces outrages d’une nature si personnelle. Toujours en butte aux ardentes vexations de mes rivales, je me réfugie à l’ombre de mon fils, et mon âme revient au calme. Mais aujourd’hui, arrivée, pour ainsi dire, à la saison des fruits, je ne pourrais vivre ce jour seulement, si j’étais privée de toi, Râma, de toi, mon arbre à l’ombre délicieuse, aux branches pleines de fruits.

« Tu ne dois pas obéir à la parole de ce monarque, esclave d’une femme, qui vit, comme un impur et un méchant, sous la tyrannie de l’Amour ; et qui, foulant aux pieds cette antique justice, bienséante à la race d’Ikshwâkou, veut sacrer ici Bharata, au mépris de tes droits »