Page:Ramayana trad Hippolyte Fauche vol1.djvu/150

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l’honneur de ta majesté, j’irai dans les forêts cultiver la pénitence. Que cette terre, à laquelle je renonce, Bharata la gouverne heureusement, dans ses frontières paisibles, avec ses montagnes, avec ses villes, avec ses forêts ! qu’il en soit puissant monarque, comme tu l’as dit ! Prince, mon cœur n’aspire pas tant à vivre dans les plaisirs, dans la joie, dans les grandeurs même, qu’à rester dans l’obéissance à tes ordres : loin de toi cette douleur, que fait naître en ton âme ta séparation d’avec moi ! »

Ensuite le monarque, étouffé sous le poids de sa promesse, manda son ministre Soumantra et lui donna cet ordre, accompagné de longs et brûlants soupirs : « Que l’on prépare en diligence, pour servir de cortège au digne enfant de Raghou, une armée nombreuse, divisée en quatre corps, munie de ses flèches et revêtue de ses cuirasses. Quelque richesse qui m’appartienne, quelque ressource même qui soit affectée pour ma vie, que tout cela marche avec Râma, sans qu’on en laisse rien ici ! Que Bharata soit donc le roi dans cette ville dépouillée de ses richesses, mais que le fortuné Râma voie tous ses désirs comblés au fond même des bois ! »

Tandis que Daçaratha parlait ainsi, la crainte s’empara de Kêkéyî ; sa figure même se fana, ses yeux rougirent de colère et d’indignation, la fureur teignit son regard ; et consternée, le visage sans couleur, elle jeta ces mots d’une voix cassée au vieux monarque : « Si tu ôtes ainsi la moelle du royaume que tu m’as donné avec une foi perfide, comme une liqueur dont tu aurais bu l’essence, tu seras un roi menteur ! »

Le roi désolé, que la cruelle Kêkéyi frappait ainsi de nouveau avec les flèches de sa voix, lui répliqua en ces termes : « Femme inhumaine et justement blâmée par