Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/452

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Carey, après avoir remarqué là complexité de la formule et les explications différentes qui en sont données par les disciples de Ricardo lui-même, analyse la théorie en six propositions distinctes, qu’il veut réfuter une à une[1].

1° La culture a commencé par les terres les plus fertiles et les plus capables : de donner un revenu élevé. À cela Carey répond par une longue discussion historique, basée surtout sur le passé économique, et agricole des États-Unis, où la culture a commencé par les coteaux assez maigres. Il en avait été ainsi jadis pour la Grèce et l’Italie, plus tard pour la France et l’Angleterre[2]. Ce point d’histoire peut être tenu pour bien établi ; il est d’ailleurs parfaitement logique qu’il en soit ainsi, à raison de la faiblesse économique des premiers exploitants[3].

2° L’accroissement de la population exige la mise en culture de terres inférieures et moins productives. — À cela Carey répond que les conditions de l’existence, s’il en était ainsi, devraient être allées en s’empirant avec l’accroissement de la population, mais qu’elles doivent aller au contraire en s’améliorant, si cette population y trouve peu à peu plus de force pour vaincre la nature[4]. Or, lequel de ces deux phénomènes s’est réalisé au cours des siècles ? Le second, sans aucun doute. Ici Carey a la partie facile contre son adversaire.

3° La rente à pour cause et pour mesure l’inégalité de

  1. Nous croyons devoir donner quelques détails sur cette discussion, parce que nous ne l’avons trouvée reproduite dans aucun volume à l’usage des étudiants et que l’ouvrage de Carey n’a pas été traduit en français.
  2. Loc. cit., pp. 23 et s. (Nous citons d’après la première édition américaine de 1848, Philadelphie, Carey and Hart).
  3. Voyez nos Éléments d’économie politique, 2e édit., p. 498.
  4. « Si l’accroissement de la population, dit-il, engendre la nécessité, le niveau humain — je veux dire le niveau physique, moral, intellectuel et politique doit s’abaisser. Au contraire, si cet accroissement donne plus de puissance à l’homme, ce niveau doit s’élever : et l’homme doit mieux se nourrir, mieux s’habiller, mieux se loger, mieux penser ; en un mot, dans tous les actes de sa vie, il doit exercer une volonté qui grandit et s’élève avec chaque pas qu’il fait dans l’extension de son pouvoir sur le monde matériel » (Loc. cit., p. 51).