Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/733

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sans doute, n’a encore ni donné une réponse, ni fourni une preuve : cependant on ne peut pas affirmer qu’il n’y réussisse pas quelque jour. Mais pour s’implanter il faut qu’il sache mettre à profit la centralisation administrative de l’État moderne, la concentration actuelle du commerce et la tendance à la grande industrie, non moins que le penchant des ouvriers vers l’association professionnelle et leur esprit d’indiscipline à l’égard du patronat[1]. Surtout il faut rayer de la théorie démocrate-socialiste la thèse du travail cause de la valeur et la thèse du produit intégral au travailleur : en effet, si chacun se voyait attribuer individuellement la valeur qu’il a produite et s’il se la voyait attribuer d’après la quantité de travail social qui y est, contenue, on aurait bien, sans aucun doute, un régime qui serait tout différent du régime économique présent et passé, mais on en aurait un qui resterait encore individualiste et qui ne serait ni social, ni égalitaire, ni communautaire[2]. Donc, théoriquement, le marxisme a tort à bien des égards.

Schæffle explique aussi que le socialisme n’exige pas là suppression générale de la propriété. Ce seraient seulement les moyens de production, autrement dit le capital, qui seraient mis en commun — plutôt même le capital dans son ensemble que dans le détail des richesses qui le constituent. Ainsi les objets de consommation et une certaine proportion de capitaux resteraient l’objet d’une attibution privative, en attendant que la logique, comme nous allons le voir, pousse Schæffle à une solution plus radicale.

Pratiquement, au dire de Schæffle, le socialisme a rendu déjà de grands services par le mouvement de réformes qu’il a déterminé. On arrivera ainsi, progressivement, à satisfaire le vœu des démocrates-sociaux, sans avoir besoin

  1. Quintessenz des Socialismus, § 3, pp. 32-34 de la 8e édition allemande. La traduction française est de Benoît Malon, ancien membre de la Commune.
  2. C’est la discussion que nous trouverons plus loin, entre la répartition d’après les œuvres et la répartition d’après les besoins (infra, pp. 734 et s.).