Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/736

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fatalement une oligarchie despotique et non pas une démocratie égalitaire[1].

Pour la France, un des principaux écrivains socialistes récents a été Benoît Malon (1841-1893)[2], « l’homme, dit M. Villey, dont les théories paraissent avoir exercé le plus d’influence sur le développement du socialisme contemporain[3] ». Il a écrit le Socialisme intégral, une volumineuse Histoire du socialisme et nombre d’autres publications. C’est lui qui a fondé la Revue socialiste. Il n’a rien démenti, ni atténué de la haine que le socialisme actuel a vouée au christianisme ; il a fait beaucoup au contraire pour l’attiser.

Mais entre temps l’astre de Karl Marx avait bien pâli, depuis la Critique de l’économie politique et le premier volume du Capital. Aux yeux de Bernstein par exemple, rien ne doit subsister de l’édifice si péniblement échafaudé par le fondateur de l’Internationale. Adversaire des théories de la valeur et de la plus-value qu’il tient pour réfractaires à toute démonstration, Bernstein est sans pitié pour celle de l’évolution économique. La concentration des fortunes, l’action centralisatrice des sociétés anonymes, l’invasion irrésistible de la grande industrie, la théorie des crises expliquées par la « sous-consommation » des classes ouvrières, Bernstein renverse tout et cependant Bernstein est aussi socialiste et aussi révolutionnaire que Marx pourrait se faire gloire de l’avoir été[4].

Anton Menger, lui aussi, considère le marxisme comme une « sociologie imbue de métaphysique indémontrable[5] ».

  1. Op. cit., 2e lettre, 2e éd., pp. 23 et s.
  2. Benoît Malon, né à Prétieux près de Feurs (Loire), d’abord berger, n’apprit à lire qu’un peu avant vingt ans, alla à Paris, fut membre zélé de l’Internationale, député de la Seine en février 1871, membre de la Commune, puis se réfugia à Genève, d’où il ne revint qu’après l’amnistie.
  3. Villey, le Socialisme contemporain, 1895, p. 78.
  4. Bernstein, Socialisme théorique et social-démocratie pratique, tr. fr., 1900, pp. 64 et s., 80 et s., 117 et s., etc., etc.
  5. Andler, dans son Introduction à la traduction de l’État socialiste de Menger, p. iv.