Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/149

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à démontrer que « plus on enlèvera de blés en France, moins on aura à craindre la cherté[1] ». L’avilissement du prix des grains n’est-il donc pas, même pour les pauvres familles du royaume, plus désastreux encore que la famine ?

Cependant, si Boisguilbert, comme écrivain, est un critique d’une force et d’une âpreté merveilleuses, s’il excelle à démolir le système administratif et financier du grand règne, s’il propose même ordinairement, pour le remplacer, les plus sages mesures qui pussent être adoptées, il faut bien aussi reconnaître qu’il n’est pas encore un constructeur de systèmes.

Les physiocrates ont fait grand cas de lui. Dupont de Nemours, après avoir rendu hommage à la « sagacité avec laquelle il avait reconnu ce que tout le monde ignorait de son temps : la nécessité de respecter les avances des travaux utiles et les avantages de la liberté du commerce », ajoutait que « s’il eût vu que la terre et les eaux étaient les seules sources d’où le travail de l’homme peut retirer des richesses… ; s’il eût su connaître l’existence du produit net et le distinguer d’avec les frais de reproduction, et s’il eût combiné ces vérités avec les autres qu’il avait senties, on lui devrait l’honneur de l’invention des principes de la science économique[2] ».

  1. Sous-titre de la seconde partie du Traité des grains.
  2. Notice abrégée des différents écrits modernes qui ont concouru, en France à former la science de l’économie politique, dans le numéro de septembre 1769 des Éphémérides du citoyen.